mardi 7 octobre 2008

Crimes contre l’Humanité en Algérie

Vers la création d'un
Collectif Contre l'Impunité
Le texte que nous vous proposons à lire a été élaboré par Hichem Aboud avec la collaboration de Brahim Younessi, Mourad Dehina, Ahmed Simozrag et Anwar Haddam


Préambule
1/ Adhésion et objectif
2/ Structuration du collectif
3/ Quelle juridiction le collectif devrait-il saisir ?
4/Quel dossier présenter à la justice ?
5/ Financement de l'action du collectif
6/ Médiatisation de l’action du collectif
7/ Organisations et associations à solliciter
8/ Transparence et légalité
9/ Dissolution

Préambule:
La commission des crimes les plus abominables - tels les crimes de guerre, les crimes de torture, les crimes de disparitions et les génocides, qualifiés de crimes contre l’humanité – continue à se pratiquer dans le monde.

Ces crimes qui se répètent en raison de l'impunité, produisent le terrorisme qui, lui-même, se veut être une réponse aux mêmes crimes et ainsi s'est formé un cercle vicieux dont l'impunité est la principale cause.

Ces crimes qualifiés aussi de crimes internationaux sont à l’origine, dans une large mesure, du phénomène du terrorisme particulier, c’est-à-dire le terrorisme des individus par opposition à celui des Etats. Ce terrorisme est considéré par ses auteurs comme étant le seul moyen de répondre et de faire face au terrorisme des Etats.

Il en est même des cas où le terrorisme particulier est lui aussi le fait de l’Etat par l’intermédiaire de ses services secrets. Ce qui est regrettable et dramatique est le fait qu’il existe dans chaque crime international deux, voire trois victimes : la victime directe, sa famille et la société.

Les victimes directes et leurs ayant droits sont en grande majorité des personnes démunies et sans protections. Ce sont en majorité des personnes de condition modeste, sans ressources, assumant le rôle d’opposants politiques ou de simples contestataires.
La plupart des victimes constituaient de leur vivant l’unique soutien de leur famille. Or, la tragédie de leur disparition se double d’une tragédie de perte de soutien et de ressources pour la famille.

Si dans le monde certains crimes sont en passe d’être jugés grâce à la mise en place de juridictions pénales spéciales et à la Cour pénale internationale, il n’en est malheureusement pas le cas pour les crimes internationaux commis en Algérie de 1988 à ce jour.
En Algérie, il existe deux catégories d’infractions : 1) Les infractions commises par les milices et les agents de l’Etat : armée, police, gendarmerie, DRS (ex-sécurité militaire).
2) Les infractions commises par les particuliers, à savoir : opposition armée, banditisme, terrorisme.

En ce qui concerne la première catégorie d’infractions, l’Etat n’a jamais reconnu les crimes et délits commis par ses agents et ses milices. Quant aux infractions imputables aux particuliers, elles ont été pour la plupart amnistiées.
Les crimes et délits commis depuis le 1er avril 1980 (printemps berbère) jusqu’au 29 septembre 2005, date de promulgation de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, ont été amnistiés.

Les autorités algériennes ont pris une série de mesures - entre autres la loi 90-19 du 15 août 1990, la loi sur la rahma (Ordonnance n°95-12 du 25 février 1995), la loi sur la concorde civile ( loi n°99-08 du 13 juillet 1999, adoptée par référendum le 16 septembre 1999), la grâce amnistiante (décret législatif n° 2000-03 du 10 janvier 2000 ), la réconciliation nationale- qui ont conféré à l’impunité un caractère légal et quasi-permanent.

Cette situation d’impunité créée d’une part par la non reconnaissance des cimes et délits commis au nom de l’Etat et par ses agents et ses milices, et d’autre part, par l’amnistie des crimes commis par les particuliers et la grâce des criminels, rend impossible le procès des crimes les plus graves, y compris les crimes contre l’humanité commis en Algérie depuis l’indépendance.

L’ordonnance n° 06-01 du 27 février 2006, art 45, dispose qu’aucune poursuite ne peut être engagée à titre individuel ou collectif, à l’encontre des forces de défense et de sécurité de la République, toutes composantes confondues, pour des actions menées en vue de la protection des personnes et des biens, de la sauvegarde de la nation et de la préservation des institutions. Toute dénonciation ou plainte à l’encontre des concernés est irrecevable.
Pire, toute déclaration, plainte ou écrit faisant référence aux « blessures de la tragédie nationale » exposerait son auteur à une peine de trois à cinq ans d’emprisonnement et à une amende 250.000 à 500.000 DA.Néanmoins, l’amnistie de ces crimes n’a ni endigué le phénomène du terrorisme ni fait disparaître la douleur des familles victimes.

Il est donc bien temps de mettre en place une instance ayant pour rôle de mettre fin à cette impunité par les moyens d’information et de sensibilisation de l’opinion internationale, en vue de la mise en place d’une juridiction pénale spéciale, ainsi que par le recours à la justice internationale sur la base de la compétence universelle. Cette instance est appelée « collectif contre l’impunité », CCI par abréviation.

Collectif Contre l'Impunité
Est créé un collectif ouvert à toutes les Algériennes et Algériens
sincères souhaitant mettre un terme à l’impunité d’un système
maffieux. Dans ce collectif, il n’y a guère de place au clanisme,
au sectarisme ni au clivage politique ou idéologique. Il est ouvert
aux Algériennes et Algériens là où ils se trouvent dans le monde.Le collectif est, également, ouvert à recevoir directement les témoignages
même de ceux qui d'une manière ou d'une autre ontété responsables
des crimes contre l’humanité que ce soit du côté des forces de sécurité
ou des groupes armés s’ils se montrent disposés à fournir au collectif des renseignements des informations précises sur les tortionnaires (identité,fonction et degré de responsabilité).

Adhésion et objectif

L’adhésion au collectif ne constitue en aucun cas l’adhésion à un parti ou mouvement politique de quelque tendance que ce soit.
Le collectif a pour seul objectif la traduction des responsables et auteurs des crimes contre l’humanité commis en Algérie devant une juridiction spéciale. Une fois son objectif atteint, le collectif sera dissout.
Afin de préserver sa cohésion et éviter tout malentendu entre ses membres, le collectif n’aura pas à se prononcer publiquement ou prendre position sur des sujets d’actualité.

Toutefois, il lui est permis de rendre publique toute déclaration se rapportant à la répression et aux violations des droits de l’homme en Algérie (répression de manifestations publiques, interdiction de meeting, privation de passeport, interdiction de sortie du territoire national, violation des droits de l’homme sous toutes ses formes, violation des libertés publiques, interpellation, arrestation, enlèvements, disparition forcée etc.)

Structuration du collectif

Le collectif sera dirigé par un bureau directeur qui se composera d’une dizaine de personnes avec une attribution précise pour chacun de ses membres.
Les membres du bureau directeur désigneront :
Un président
Un vice-président
Un porte-parole
Un secrétaire général
Un trésorier
Un coordinateur chargé du dossier juridique
Un coordinateur chargé de la presse et de l’information
Un coordinateur chargé des relations avec les instances parlementaires
Un coordinateur chargé des relations avec les ONG
Un coordinateur chargé des relations avec les personnalités politiques, intellectuelles et culturelles.
Les membres du bureau directeur s’engageront lors d’une cérémonie officielle, qu’ils œuvreront à faire tout leur possible pour la réussite de la mission qui leur est dévolue et qu’ils n’épargneront aucun effort pour faire appel au témoignage des personnes susceptibles de faire avancer la plainte, ou dénoncer une personne susceptible d’avoir commis des crimes contre l’humanité.
Les membres du bureau directeur ont la possibilité, s’ils le souhaitent, d’arrêter un règlement fixant les prérogatives de chacun d’entre eux et les règles à respecter dans l’accomplissement de leurs missions.
Le bureau directeur du collectif aura à : - Arrêter la stratégie à mettre en œuvre pour la réalisation du projet pour lequel il a été créé.
Définir avec précision les voies et moyens de mener à bien le projet de traduire devant la justice les responsables des crimes contre l’humanité.
Arrêter la liste des accusés à présenter dans un premier temps devant la justice.
Veiller sur le respect de l’agenda de réalisation des différentes opérations qui seront menées sur la voie de la concrétisation du projet.
Prendre toute initiative allant dans le sens de l’accélération du processus de réalisation du projet.

Chaque adhérent aura une tâche précise à assumer. La tâche sera désignée par le comité directeur du collectif en fonction des possibilités et des souhaits de l’adhérent.

L’action du collectif sera menée dans la transparence totale pour éviter toute contre-action nocive.

Quelle juridiction le collectif devrait-il saisir ?

Il aurait été souhaitable que la première juridiction à saisir soit la justice algérienne. Malheureusement, cette dernière étant instrumentalisée par le pouvoir politique est disqualifiée par l’ordonnance n° 06-01 du 27 février 2006, dont l’article 45, dispose « qu’aucune poursuite ne peut être engagée à titre individuel ou collectif, à l’encontre des forces de défense et de sécurité de la République. Toute dénonciation ou plainte à l’encontre des concernés est irrecevable.

Par conséquent, la justice algérienne ne peut être saisie pour des crimes amnistiés. Les plaintes seront certainement irrecevables. Les plaignants risquent des poursuites judiciaires comme souligné dans le préambule.
Il ne reste plus, donc, qu’à se tourner vers les juridictions internationales.
Déposer une plainte devant un tribunal d’un état européen où il est possible de faire fonctionner la compétence universelle risque de traîner en longueur et faire avorter le projet en raison de nombreuses considérations dont celle de la raison d’état qui profiterait au régime politique d’Alger.

La Cour Pénale Internationale ne pouvant juger des crimes antérieurs à juillet 2002, date de sa création n’est pas la juridiction idoine pour juger les crimes commis en octobre 1988, 2001 en Kabylie, 2004 dans les Aurès et de 1992 à 2002.

Sauf autre alternative plus efficace, le mieux c’est de s’adresser au Conseil des Droits de l’homme pour demander la création d’une juridiction spéciale pour juger les crimes contre l’humanité en Algérie à l’instar de celles qui ont été créées pour juger les crimes commis en Serbie et au Rwanda.

Tout comme il est envisageable qu’un tribunal pénal international soit créé par le conseil de sécurité de l’ONU. Ce qui nécessite un travail de grande envergure pour s’assurer le soutien des membres de cette instance.

Il est à rappeler que le Conseil de sécurité de l’ONU a déjà été saisi d’un projet particulier de création d’un tribunal pénal international pour juger les crimes contre l’humanité perpétrés en Algérie depuis octobre 1988, mais à ce jour le Conseil n’a donné aucune suite. Il n’est pas inopportun d’en renouveler la demande.

Il ne fait aucun doute que cette demande a de fortes chances d’aboutir positivement tant les crimes commis en Algérie dépassent de loin ce qui a été dénoncé en Serbie, au Rwanda ou à Darfour.

Outre la demande de la constitution d’une juridiction internationale spéciale, le bureau directeur du collectif peut aider une victime membre du collectif à saisir la justice d’un pays abritant toute personne reconnue comme ayant commis des crimes contre l’humanité. Il lui est également possible de saisir la justice d’un pays où séjournerait ou serait de passage toute personne ayant participé ou assumé des responsabilités dans des crimes contre l’humanité en Algérie.

Quel dossier présenter à la justice ?

La traduction des responsables et auteurs des crimes contre l’humanité passe nécessairement par la constitution d’un dossier contenant :1 - Un mémorandum sur les violations des droits de l’homme et les crimes contre l’humanité commis en Algérie depuis les évènements sanglants du 5 octobre 1988 à ce jour.2 - Les plaintes des victimes des crimes contre l’humanité (personnes torturées, enlevées, membres des familles de disparus, déportés dans les camps du sud, exilés reconnus comme réfugiés statutaires dans les pays d’accueils.)3 – Documents de témoignage sur les crimes contre l’humanité (livres, lettres ou tout autre document prouvant l’implication ou la complicité de l’état algérien dans les crimes contre l’humanité)4 – Tout document ou témoignage attestant l’implication des autorités algériennes dans la création de groupes armées notamment le GIA.

Financement de l'action du collectif

La réalisation du projet de traduire devant la justice les responsables des crimes contre l’humanité nécessite un financement qui permet la prise en charge entre autres les frais de déplacement de ses membres.
Pour cela, le collectif doit s’assurer de la légalité de l’origine des fonds dont il bénéficiera pour éviter tout parasitisme ou discrédit de son action.
Pour son financement, il sollicitera les ONG en mesure de lui apporter aide et assistance avec engagement de rendre compte des dépenses à tout organisme qui contribuera au financement du collectif. D’autre part, les membres du collectif sont tenus de verser une cotisation mensuelle d’un minimum de 20 € et un maximum illimité. Toute personne ayant cotisé a le droit de réclamer un relevé des recettes et dépenses afin d’éviter toute rumeur malveillante.

Médiatisation de l’action du collectif

1/ Organisation d’une conférence de presse

L’annonce de la création du collectif se fera lors d’une conférence de presse qui sera organisée au CAPE (Centre de la Presse Etrangère) à Paris.

2/ Création d’un site d’Internet d’information
L’action médiatique du collectif se fera à travers un site d’information en ligne. Le site sera créé avant la tenue de la conférence de presse et son adresse communiquée le jour même de la conférence.
Le site Internet diffusera toutes les informations relatives au collectif, l’état d’avancement des actions entamées et l’annonce des actions à engager.
Une partie vidéo sera incluse avec si possible une édition d’information quotidienne relative à l’actualité algérienne et aux violations des droits de l’homme en Algérie.
Le site sera diffusé en plusieurs langues (arabe, français, anglais, espagnol et italien).

3/ Création d’une revue ou un bulletin périodique
Un bulletin mensuel, papier, sera publié régulièrement englobant tout ce qui a trait à l’actualité algérienne et aux violations des droits de l’homme en Algérie. Ce bulletin est destiné aux ONG, institutions internationales et personnalités politiques, culturelles, et intellectuelles appelées à soutenir l’action du collectif.
Dans la mesure du possible, création d’un magazine indépendant d’informations générales destiné à sensibiliser l’opinion publique algérienne et internationale par un message indirecte sur la nécessité de mettre un terme à l’impunité du système politique algérien.

4/ Mise en place d’une cellule de communication
Une cellule de presse et d’information sera mise en place pour veiller sur le bon déroulement de la médiatisation de l’action du collectif.
Elle aura pour première mission la coordination entre l’actualisation du site Internet et la réalisation du bulletin périodique d’information.
Elle assurera l’organisation des conférences et rencontres de presse.
Elle assurera un contact permanent avec les différents organes de la presse nationale et internationale par la diffusion d’informations relatives aux activités du collectif et le suivi des actions entreprises.

Organisations et associations à solliciter :

Pour mener à bien sa mission dans les meilleurs délais et afin de recueillir les dossiers qui sont en leur possession ou qu’ils ont eu à étudier, le collectif aura à solliciter la collaboration des deux ligues algériennes des droits de l’homme, Les Associations de disparus (en Algérie et à l’étranger) Al-Karama (ONG de défense des droits de l’homme dans le monde arabe), Justitia Internationale, la Fédération Internationale des Droits de l’Homme, Amnesty international, Human-Rights Watch.
Pour le soutien de son action sur le plan médiatique, le bureau du collectif aura, également, à solliciter les organisations internationales de la presse dont Reporter Sans Frontières, la Fédération Internationale des Journalistes, l’association de la liberté d’expression « Article 19 » etc.
Il sera fait, également, appel aux organisations algériennes de défense des droits de l’homme sans préjugé aucun de la relation des membres de ces organisations avec le pouvoir en place. Libre à ces membres ou ces organisations de refuser de s’associer à l’initiative du collectif.
Pétitions pour juger les crimes contre l’humanité en Algérie

1ère pétition
Outre les associations et organisations internationales de défense des droits de l’homme, le collectif organisera la signature d’une pétition internationale pour le jugement des responsables des crimes contre l’humanité en Algérie.
Seront sollicités :
Les responsables des partis politiques algériens
Les personnalités politiques et culturelles algériennes
Les parlementaires et sénateurs algériens
Les personnalités politiques et culturelles de tous les pays du monde.
Les parlementaires et sénateurs de tous les pays du monde avec une insistance sur ceux de France, de Suisse, de Belgique, d’Angleterre soit les pays qui comptent le plus d’exilés politiques algériens.
Les membres du parlement européen.

2ème pétition
A la pétition recueillant les signatures de membres d’institutions officielles et de personnalités connues, il sera mis en circulation une pétition populaire pour recueillir les signatures de citoyens de toutes nationalités.
Cette pétition circulera par internet et sur les places publiques dans toutes les villes du monde où le collectif trouvera des volontaires.Les signataires de la pétition populaire doivent signer de leurs véritables nom et prénom et pays de résidence (et éventuellement profession.) Les pseudonymes ne seront pas acceptés et toute signature avec pseudo sur le net sera effacée.

Transparence et légalité

L’action du collectif sera menée dans la transparence totale et en toute légalité. Le bureau directeur du collectif veillera à ce que l’action et les activités de ses membres s’effectueront dans le respect des lois des pays étrangers d’accueil et en toute légalité.

Toutes les actions seront dans la transparence totale pour mettre hors d’état de nuire tout candidat à l’infiltration et/ou à la délation, tous les sceptiques, les paranoïaques et les agents d’influence qui entretiennent le mythe des services de renseignements algériens (DRS, DGSN etc.) pour démobiliser les bonnes volontés en semant le doute sous le couvert de la lâcheté de l’anonymat.

Toute personne qui tentera d’entretenir des clivages entre les membres du collectif pour des raisons idéologiques, partisanes ou régionalistes ou autres sera dénoncée publiquement et considérée comme complice des criminels qui seront appelés à répondre de leurs crimes.

Toute personne qui jettera le discrédit sur l’action du collectif ou sur l’un de ses membres en vue de faire avorter le projet sera dénoncée publiquement et considérée comme complice des criminels qui seront appelés à répondre de leurs crimes.

Dissolution
Il appartient au comité directeur de prononcer la dissolution officielle du collectif à l’issue de la réalisation du projet.
Ce document est ouvert à toute contribution allant dans le sens de son enrichissement jusqu'à son adoption finale par le bureau directeur du collectif.

Le 05 octobre 2008



NB: Ce texte est ouvert à toute contribution allant dans le sens de son enrichissement en attendant la création du collectif qui se fera avant le 1er novembre 2008